Du XIVème au XVIème siècles : les fondements du domaine et l’ancien château.
A la fin du XIIIe siècle, les Hurault font partie de la bourgeoisie blésoise, comme fournisseurs comtaux. Par leur capacité de financiers, ils gravissent de génération en génération les différentes marches du pouvoir. Anoblie en 1349 par Philippe VI de Valois (1328-1350), c’est la plus ancienne famille de France à l'avoir été par Lettres Patentes. Elle poursuit ensuite son ascension sociale, en occupant différents postes de grands commis au service des ducs d’Orléans puis des rois de France.
Le saviez-vous ?
Philippe VI monte sur le trône en 1328, après la mort de Charles IV, afin que la couronne ne revienne pas à la maison Plantagenêt. Son règne est marqué par les débuts de la Guerre de Cent Ans et la Grande Peste, mais également par le rattachement au royaume de Montpellier, du Dauphiné et de la Bourgogne.
En 1392, Jean Hurault achète à Robert le Mareschau la terre de Cheverny qui ne dispose alors que d’une simple maison, d'un pressoir et d'une vigne.
Un siècle plus tard, Jacques Hurault étend le domaine et acquiert les seigneuries de la Grange et de Cheverny. En effet, en 1498, l’accession au trône de Louis XII (1498-1515) fait de Blois la résidence principale de la cour. Cette proximité du pouvoir royal ouvre de nombreuses perspectives pour le territoire. Jacques Hurault, qui a déjà occupé de hautes fonctions auprès de Louis XI et Charles VIII, devient le principal conseiller du roi, avec les charges de grand argentier, général des finances, président de la chambre des comptes, mais aussi échevin et gouverneur de Blois sous François Ier.
Jacques Hurault et son Saint Patron - chapelle du château.
Le saviez-vous ?
Jacques Hurault est l’instigateur du réseau des fontaines de Blois, réaménagé à partir de 1511 par Pierre de Valence.
Pour suivre dans Blois, le parcours des fontaines : cliquez ici.
L’influence de Jacques Hurault permet non seulement d’agrandir le domaine, mais aussi d’édifier vers 1510, grâce à son fils Raoul et avec l’accord du roi Louis XII, le 1er château fortifié. De cette époque, il ne reste que quelques vestiges des communs, notamment des fenêtres à meneaux, situés dans les actuels communs. La forteresse, quant à elle, présentait un pont-levis à chaînettes, des canonnières, des tourelles et des fossés de défense.
Dessin du père Martellange - 1624
Reproduction en Lego® visible en accédant à la chapelle
Raoul Hurault obtient également que François Ier valide les concessions vassaliques, afin que le château puisse accueillir la cour lors de longs séjours, mais cela ne sera jamais le cas. En effet, Raoul tombe en disgrâce : son beau-père, alors premier intendant des finances de François Ier, est accusé de ne pas avoir payé la solde d’une partie des troupes de l’armée d’Italie. Celui-ci a beau expliquer avoir remis la somme à Louise de Savoie, il sera jugé coupable et pendu, avant d’être réhabilité 2 ans plus tard, à titre posthume.
Raoul, quant à lui, rejoint l’armée d’Italie et meurt durant le siège de Naples en 1528. Sa veuve, Marie de Beaune, est acculée à la vente et cède Cheverny à l’aumônier du roi Henri II, qui, en 1551, doit le laisser à Diane de Poitiers.
Le saviez-vous ?
Diane de Poitiers, alors puissante favorite du roi Henri II, va être propriétaire du Château de Cheverny pendant un peu plus de 13 ans, de 1551 à 1564. Elle l'acquiert pour surveiller les travaux de Chenonceau qu’Henri II lui a offert.
Lorsque le roi meurt en 1559, Catherine de Médicis reprend alors Chenonceau et laisse en échange le château de Chaumont-sur-Loire à Diane de Poitiers. Et c’est depuis Cheverny que l’ancienne favorite va superviser les travaux qu’elle entreprend dans son nouveau château.
Portrait de Diane de Poitiers
Par Auteur inconnu — Domaine public
Le 25 février 1564, marque le retour du château au sein de la famille Hurault de Vibraye. En effet, les frères Jacques et Philippe réussissent à apporter la preuve d’un vice de procédure dans la vente de Cheverny de 1537.
Diane de Poitiers le rétrocède alors à Philippe Hurault, personnage important de l’époque.
En effet, garde des sceaux, chancelier de l’ordre du Saint-Esprit, Philippe Hurault est par deux fois chancelier de France, de 1583 à 1588 sous le règne d’Henri III et de 1590 à 1599 sous Henri IV.
Le saviez-vous ?
Le chancelier de France est nommé par le roi pour gérer l'administration de la justice du Royaume. Il a la charge d’édicter les ordonnances, édits, déclarations et lettres patentes, conformément à la volonté du roi.
En 1577, le roi Henri III érige la terre de Cheverny en vicomté, puis en comté en 1582. Malgré ses affinités avec la Ligue, Philippe Hurault fut un proche et fidèle courtisan d’Henri IV et de Marie de Médicis. Le roi devint le protecteur de la famille comme en témoigne son buste, au-dessus la cheminée de la grande salle à manger.
Henri IV fut également le seul roi de France à dormir à Cheverny, dans l’ancien château. Son lit qui, lui, a été conservé, est présenté dans la "chambre du roi".
Lit et buste d’Henri IV au château de Cheverny
Le XVIIème siècle : fastes et construction du nouveau château.
Le fils de Philippe, Henri Hurault, épouse en secondes noces Marguerite Gaillard de la Morinière. De cette union, va naître le nouveau château : “la merveille née de l’amour”.
Le chantier débute en 1624, mais est d’une telle ampleur que ni l’un ni l’autre ne verront totalement terminé. Toutefois, leurs initiales entrelacées H et M se retrouvent à divers endroits dans le château ainsi qu'à l'Orangerie, et les lient pour l'éternité.
Leur fille Elisabeth, Marquise de Montglas, achève la décoration intérieure. Au cœur du mouvement précieux, elle veille à ce que le décor reflète l’ensemble des savoirs : littéraires, mythologiques ou botaniques. Le résultat est splendide et permet à la Grande Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans, de qualifier Cheverny de « palais enchanté ».
Le saviez-vous ?
La marquise de Montglas fut la maîtresse du célèbre écrivain pamphlétaire Bussin-Rabutin, cousin de Madame de Sévigné. C’est pour la marquise qu’il écrivit en 1660 l’Histoire amoureuse des Gaules. Cette satire des mœurs à la cour de Louis XIV, publié sans son aval, lui vaudra d’être emprisonné 13 mois à la Bastille, avant d’être à nouveau exilé dans ses terres de Bourgogne.
La Marquise de Montglas, dans la grand salon du château.
Le XVIIIème siècle et la recherche d’un second souffle.
Ambassadeur au Danemark, le fils d’Elisabeth, lègue le château à son cousin qui décide de le vendre, le 22 juillet 1755.
Propriété du comte d’Harcourt jusqu’en 1763, le château n’a plus du tout le faste d’antan lorsqu’il est racheté par Jean Nicolas Dufort de Saint Leu, après le désistement du marquis de Marigny, le frère de la Pompadour.
Portrait de Jean-Nicolas Dufort de Saint-Leu, comte de Cheverny, par François-Hubert Drouais —
Mémoires sur les règnes de Louis XV et Louis XVI et sur la Révolution. © CC0.
Devenu le comte Dufort de Cheverny, par lettres patentes de Louis XV en 1764, il s’installe au château la même année et décrit l’état général du domaine : du blé pousse alors jusqu’aux marches de l’escalier et seules 5 pièces sont habitables !
L’ancien introducteur des ambassadeurs de Louis XV va donc procéder à la première restauration et acquérir meubles et cheminées en quantité. Il revoit également l’agencement des pièces du 2nd étage et installe un théâtre, où lui-même et ses invités se prêtent à jouer la comédie.
Le théâtre érigé perpendiculairement à la façade sud.
Vient le temps de la Révolution, qui laisse le château indemne, mais, durant la Terreur, Dufort est emprisonné à Blois et meurt ruiné, en 1802.
Le XIXème siècle : le retour des Hurault.
En 1825, après avoir changé plusieurs fois de propriétaires, le château revient, après 70 ans d’absence, dans la famille Hurault, grâce à Anne-Victor-Denis, marquis de Vibraye, pair de France, et descendant du 4e fils de Raoul Hurault.
Anne-Victor-Denis Hurault, salon rose.
Lui aussi lance un programme de restauration, afin de mettre le château au goût du jour avec la polychromie des plafonds, comme on peut le voir au rez-de-chaussée, dans la salle à manger ou le grand salon.
Le plafond du grand salon.
Son fils, Paul de Vibraye, va aussi marquer le domaine : au château, il installe tout le confort de l’époque avec le premier calorifère (ancêtre du chauffage central) ; il s’attelle également à l’assèchement des marais alentours, comble les douves, plante la plupart des arbres remarquables qui font le charme du parc, comme l’allée des 157 cèdres, les cyprès chauves ou les séquoias, etc. Il entreprend également la restauration de la façade nord et il est probablement à l’origine de la suppression de l'enduit de couleur jaune, qui existait auparavant et qui a été réhabilité en 2020.
Paul de Vibraye, corridor du 1er étage.
Le saviez-vous ?
Paul de Vibraye était un paléontologue ! Il a entrepris de nombreuses fouilles, notamment à Laugerie-Basse, et découvert en 1864 la 1ère représentation paléolithique d'une femme : la Vénus Impudique ou Vénus de Vibraye. Elle est aujourd'hui au Muséum national d'Histoire naturelle, ainsi que sa collection anthropologique et préhistorique, qui se composait de 4335 objets, en 1896.
La Vénus impudique ou de Vibraye
Par Jc Domenech — CC BY-SA 4.0.
Le XXème siècle : le château s’ouvre au public.
Le domaine poursuit sa transmission de père en fils et le 11e marquis de Vibraye, Philippe de Vibraye, prend la décision d’ouvrir le château au public en 1922. C’est alors une nouvelle aventure qui débute.
Le saviez-vous ?
L’ouverture au public entraîne rapidement la création de brochures touristiques. L’une d’entre elles attire l’attention d’un certain Hergé et, en 1942, il crée Moulinsart en s’inspirant de Cheverny. En 2001, en partenariat avec la Fondation Hergé, l’exposition permanente « Les Secrets de Moulinsart » voit le jour dans les communs du château. Pour en savoir plus.
Au commencement, seules 6 pièces sont proposées à la visite, petit à petit, elles se font plus nombreuses à recevoir les visiteurs : en 1985, les appartements privés du 1er étage qui étaient habités jusque-là, se laissent découvrir ; en 2014, la chapelle. Aujourd’hui, 17 salles constituent la visite du château.
Dans la continuité de Paul de Vibraye, le parc ouvre au public à partir de l’arrivée au château de Constance et Charles-Antoine de Vibraye, en 1994. Puis, ce sont les jardins qui sortent de terre : le premier est le jardin potager bouquetier, puis le jardin des apprentis en 2006, le labyrinthe en 2009, le ruban de tulipes en 2014, le jardin de l’amour en 2019 et le jardin sucré en 2020.
Constance et Charles-Antoine de Vibraye